Suisse: tour d’horizon des principaux métiers psy en 2023 par Anne-Sophie Hayek

En 2023, la démarche de demander de l’aide, en allant voir un « psy » se démocratise de plus en plus en Suisse. Un changement qui touche tant les patients que les professionnels de santé de première ligne qui sont plus sensibles à la santé mentale et les répercussions qu’elle peut avoir sur le corps. Néanmoins, l’on peut vite se perdre avec les différentes terminologies existantes: psychologue, psychiatre, psychothérapeute. Quelles sont les principales nuances qui se cachent derrière ces métiers? Cet article a pour but de décrire ce que propose, à ce jour le système de santé suisse, en terme de prises en charge, dans la dite « santé mentale ». Une manière également, au sein d’Entre-Psy, de présenter brièvement les principaux métiers aux personnes qui ne connaissent pas notre pays.

Les principaux métiers: différences et ressemblances

  • Psychiatre-psychothérapeute ou médecin spécialiste en psychiatrie et psychothérapie : porte ce titre la personne qui a fait 6 ans d’études universitaires en médecine puis une spécialisation de 6 années supplémentaires en psychiatrie et psychothérapie, incluant la prise en charge médicale et psychothérapeutique de troubles mentaux, avec un approfondissement d’une des approches psychothérapeutiques. En Suisse, la FMH délivre deux types distincts de titre de spécialiste : Psychiatre-psychothérapeute d’adultes et psychiatre-psychothérapeute d’enfants et d’adolescents. Le psychiatre est compétent pour apprécier la nécessité de prescrire un traitement médicamenteux ou pas. La formation continue est obligatoire pour garder le titre.
  • Psychologue : porte ce titre une personne qui a obtenu un master en psychologie délivré par une université suisse ou une haute école spécialisée. Le titre de Psychologue est un titre protégé en vertue de la loi sur les professions de la psychologie (LPsy). Un psychologue a parmis ses compétences: des évaluations cliniques, du conseil, de la prévention, et autres compétences selon les formations postérieures entreprises. Sa formation étant généraliste, il n’est pas autorisé à prendre en charge les « troubles » en entreprenant une psychothérapie. Au-delà, nombreuses sont les spécialisations existantes après un Master en psychologie, le site de la Fédération Suisse des Psychologues regorge d’informations utiles sur les métiers de la psychologie.1
  • Psychologue spécialiste en psychothérapie, dit psychologue-psychothérapeute : porte ce titre la personne qui a obtenu un master en psychologie délivré par une université suisse ou une haute école spécialisée (5 années), puis, qui s’est spécialisé en psychothérapie pendant 5 années supplémentaires, dans une des approches psychothérapeutiques existantes2. Le psychologue-psychothérapeute est un pure spécialiste de la psychothérapie. Il est important de noter qu’après l’obtention de son titre, il doit faire la demande d’une autorisation de pratique auprès de son canton. La formation continue est obligatoire pour garder le titre.

Ainsi, la différence principale entre un psychothérapeute qu’il soit psychologue ou psychiatre, est que le psychiatre posera un regard médical sur le patient, ce que le psychologue n’est pas formé à faire. Certains catégorisent en parlant alors de psychothérapie psychologique, par opposition à la psychothérapie psychiatrique.

2022-2023: Dernières actualités autour de la psychothérapie

Pour celles et ceux qui ne sont pas accoutumés-es du fonctionnement des assurances dans le domaine de la santé, en Suisse, il est bon de savoir que la prise en charge des prestations médicales se reposent sur deux types d’assurances: l’assurance de base et l’assurance complémentaire. 

  • L’assurance obligatoire des soins (AOS), dite « assurance de base », obligatoire à tout individu vivant en Suisse qui s’occupe de la prise en charge de tous les soins médicaux de base en cas de maladie, maternité et d’accident. 
  • L’assurance complémentaire, non-obligatoire, qui assure la prise en charge (partielle ou complète) de certaines prestations qui ne sont pas couvertes par l’assurance de base. Sont inclus par exemple, les traitements de médecin alternative, les cures, les frais de sauvetage, frais d’hospitalisation, les traitements dentaires, ou encore des mesures préventives en matière de santé.

En 2022, d’importants changements ont eu lieu en Suisse, au niveau fédéral, au coeur du système de santé, concernant les psychothérapies conduites par des psychologues-psychothérapeutes.

Jusquà juin 2022, pour qu’une psychothérapie intervenant dans un contexte « maladie » puisse être « remboursée » par l’assurance de base de la personne concernée, il fallait que la personne demandeuse de psychothérapie aille voir soit : un psychiatre-psychothérapeute ou, un psychologue-psychothérapeute qui travaillait en délégation d’un psychiatre-psychothérapeute. Dans ce dernier cas de figure, le médecin psychiatre déléguait alors, après avoir vu le patient, la psychothérapie au psychologue-psychothérapeute qui conduisait la psychothérapie « sous la responsabilité du médecin psychiatre ». Un des inconvénients majeurs de ce fonctionnement pour les psychologues-psychothérapeutes, était que le système de délégation retardait l’accès aux soins des personnes. 

Depuis 2022, les médecins de famille FMH peuvent désormais faire une prescription pour que leur patient aille directement consulter un psychologue spécialiste en psychothérapie (sans passer par la case « psychiatre qui délègue »). Le modèle de délégation médicale de la psychothérapie psychologique est devenu caduque depuis fin décembre 2022, signant la transition définitive vers le modèle de « prescription de la psychothérapie psychologique », à compter de janvier 2023. Les psychologues-psychothérapeutes accrédités à exercer avec l’assurance maladie sont donc désormais plus facilement accessibles et libérés du lien employeur-employé qui les unissaient à un médecin psychiatre.

Les psy, les seuls à traiter la souffrance émotionnelle, psychique?

Non les psy ne le sont pas les seuls à traiter la souffrance émotionnelle. Aussi, gardons à l’esprit que les métiers ci-dessus s’inscrivent dans notre société, une société occidentale qui pose un regard médical occidental sur le dit état de santé, et ses symptômes lorsque celui-ci est troublé. Ce regard n’est pas le seul à être posé sur le soin, la prévention de l’être humain, sa souffrance, ses symptômes. Ces métiers ne sont donc pas les seuls à chercher à soigner la souffrance humaine émotionelle et psychique. D’autres métiers se déploient également, comme ceux: d’infirmier-ère en psychiatrie, hypnothérapeute, art-thérapeute… pour n’évoquer que ceux qui sont normativement reconnus dans notre société occidentale. 

Sensibiliser à la différence des métiers:

Le travail en interdisciplinaire ne peut trouver tout son sens que si l’on est rendu sensible aux regards que portent d’autres métiers sur la souffrance mentale / psychique / émotionnelle et ses manifestations. Si les professionnels de santé prennent le temps de penser la spécialité, les forces et les limites de chacun des autres métiers existants. En effet, la prise en charge d’un invididu, même si se basant sur des mécanismes connus pour une moyenne de personnes, n’en demande pas moins de trouver des outils thérapeutiques qui résonnent et conviennent à la singularité de chaque individu. Il en va du devoir des professionnels de santé, de pouvoir s’appuyer sur leur sens, leur expérience, leur compétences et leur connaissances cliniques pour orienter et accompagner au mieux la personne qui vient les voir, en demande d’aide. 

« Demeurer au service de l’individu et de sa souffrance, non pas au service de son égo de professionnel ». Une pensée à méditer moment après moment, alors que nous cheminons dans notre travail de professionnel de la santé, années après années.

1 Les professions de la psychologie sur le site de la Fédération Suisse des Psychologues (FSP) : https://www.psychologie.ch/fr/profession-formation/les-professions-de-la-psychologie

2 Principales orientations psychothérapeutiques et thérapies existantes et reconnues en Suisse, recencées par le site de l’Association Vaudoise des Psychologues (AVP) https://www.psy-vd.ch/metier-psychologue/courants-psychotherapeutiques 

Contributions à l’article et remerciements pour son regard sur la trajectoire des psychiatres:

  • Maria Belen AMBROSIO, FMH Psychiatre-psychothérapeute d’enfants et d’adolescents.

Autrice: Anne-Sophie HAYEK, Dr. Sc., Psychologue FSP, psychothérapeute en formation.