« Qui fait quoi ? » Les professionnels de santé mentale au Liban – par Amira Kazoun

D’après l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la santé mentale se définit « comme un état de bien-être dans lequel une personne peut se réaliser, surmonter les tensions normales de la vie, accomplir un travail productif et contribuer à la vie de sa communauté. Dans ce sens positif, la santé mentale est le fondement du bien-être d’un individu et du bon fonctionnement d’une communauté » (Durant, 2019, p.8). La santé d’une personne ne se réduit donc pas à sa santé physique, mais englobe sa santé mentale et sociale. 

Ainsi, il est important de noter que la santé mentale n’équivaut pas uniquement à l’absence de maladie ou d’infirmité, mais qu’elle prend un aspect beaucoup plus holistique, incluant la capacité d’une personne à gérer les différents aspects de sa vie, à faire face aux difficultés et à maintenir un équilibre psychique. 

La singularité étant la pierre angulaire de la psychologie, les soins procurés dans le domaine de la santé mentale émanent de la demande du patient, et sont taillés à ses besoins, son histoire personnelle, et sa réalité psychique.

Qui sont ces professionnels qui gravitent dans le domaine de la santé mentale? Cet article a pour but principal d’exposer, dans les grandes lignes, les différents types de professionnels de la santé mentale existants au Liban ainsi que leurs rôles respectifs. 

Psychologue et psychothérapeute : quelle différence ?

Une confusion prend souvent lieu quand il s’agit de la différence entre psychologue et psychothérapeute. Au Liban, obtient un titre de psychologue, toute personne qui valide une licence en psychologie. Néanmoins, cela n’est pas suffisant pour exercer en tant que psychologue. Il faut ensuite faire un master dans une des sous-disciplines suivantes : psychologie clinique, psychologie de l’éducation, ou psychologie du travail. A l’issu du Master, les psychologues cliniciens et les psychologues de l’éducation doivent passer un examen de colloquium (préparé par le Ministère de Santé Libanais) afin d’obtenir leur permis d’exercice. Les psychologues du travail, quant à eux, n’ont pas cette obligation ; en effet, cette sous-discipline semble être mineure au Liban auprès des deux premières.

Quant au psychothérapeute, ce dernier a fait le même parcours qu’un psychologue clinicien, c’est-à-dire une licence et un master en psychologie clinique exclusivement. Après son master, le professionnel entreprend une formation dans l’approche thérapeutique qu’il souhaite, sous la supervision d’un thérapeute expérimenté, cela au sein d’une institution ou pas. 

Plusieurs approches psychothérapeutiques existent dont la psychanalyse, la thérapie psychodynamique ou d’inspiration analytique, la Thérapie Cognitivo-Comportementale (ou TCC), et l’approche systémique. Cette dernière, par exemple, traite les interactions du sujet avec le système dans lequel il vit, d’où elle est remarquablement utilisée dans les thérapies familiales. Les psychologues peuvent également être formés à des approches plus récentes dont: l’EMDR (Eye Movement Desensitization and Reprocessing) qui est amplement adopté avec les patients souffrant d’un Etat de Stress Post Traumatique (ESPT) et qui nécessite une formation spécifique, ou encore, l’art thérapie, qui consiste en une résolution des conflits intrapsychiques à travers des médiations artistiques dont l’écriture, la peinture, la musique, la danse.

Ainsi, différents cadres de prises en charge sont possibles, selon les besoins, en individuel (dite thérapie individuelle), en couple (thérapie de couple), en famille (thérapie familiale) ou en groupe (thérapie de groupe).

Quant aux tranches d’âge, il semblerait qu’il y ait un plus grand nombre de thérapeutes formés à prendre en charge des adultes que des enfants et/ou des adolescents.

Quand la psyché nécessite des psychotropes : la psychiatrie

La souffrance psychique que génère les troubles mentaux nécessite souvent une prise médicamenteuse que seul le psychiatre, au Liban, a le droit de prescrire. Le psychiatre a fait ses 7 années en médecine générale, avec 5 ans de spécialisation en psychiatrie ; certains ont également une formation en psychothérapie. De là, la collaboration entre psychothérapeute et psychiatre est cruciale au travail thérapeutique, afin de servir au mieux le patient. 

Malheureusement, il existe un stigma autour de la santé mentale : la consultation chez les professionnels de santé mentale peut être accompagnée par des sentiments de ‘honte’ et de ‘culpabilité’. Les troubles mentaux sont encore considérés par certains comme des ‘folies’, des ‘tabous’ ; ce qui empêche certains de demander l’aide dont ils ont besoin. Les personnes tardent alors à recevoir le traitement convenable, ce qui peut amener à une aggravation de leur état de santé. Dans ce contexte sociétal, notons une récente et importante évolution au sein de la société libanaise : où grâce aux efforts des différentes ONG locales et internationales, des clubs universitaires, il est désormais plus facile de demander de l’aide. La santé mentale devient sujet d’étude, d’intérêt, et de discussions, ce qui facilite la destigmatisation et l’accès aux informations et aux professionnels. En témoigne, la naissance, en 2022, de l’Ordre Libanais des Psychologues, auquel l’adhésion, après obtention du permis du travail, est dorénavant obligatoire pour exercer son métier. L’ordre libanais des psychologues a pour but d’encadrer la profession des psychologues, de travailler sur un code déontologique libanais, et d’assurer des formations continues aux psychologues et psychothérapeutes.

Pour conclure, la sensibilisation à la santé mentale au Liban reste précaire, pourtant essentielle ; elle est l’une de nos objectifs en tant que professionnels de la santé mentale : la psychoéducation est en mesure de briser les tabous, d’aider les patients à comprendre leurs troubles et d’éclairer le chemin thérapeutique. Les professionnels du pays s’entraident à organiser la profession, et, malgré tous les défis, nous promettent un espoir à l’horizon.

Le service de l’Humain reste notre but ultime.

Autrice: Amira Kazoun, étudiante en deuxième année de master en psychologie Clinique et pathologique à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth – Liban, et présidente du club universitaire de santé mentale.